92 ans le 24 juillet 2011 |
Bon
anniversaire Ferdi |
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Lauréat du
Tour de France 1950, le Suisse Ferdi Kübler en est aujourd’hui le
plus ancien vainqueur encore vivant.
Un champion au caractère bien trempé, qui a marqué le cyclisme
de l’après-Guerre par ses exploits et sa personnalité et qui fêtera
son 92ème anniversaire le dimanche 24 juillet prochain, jour
de l’arrivée sur les Champs Elysées.
Kübler fut aussi le
premier maillot jaune de la reprise, en 1947, à l’issue de la première
étape Paris-Lille qu’il remporta devant le Breton Mahé. En 1949,
porté par son tempérament offensif, il mena la vie dure à Coppi,
notamment dans la grande étape des Alpes, Cannes-Briançon. Sixième à
10’14 de Magni à une semaine de la fin (Coppi était 10ème
à 14’16), Kübler avait attaqué dans le col d’Allos, comme un
forcené. Alors qu’ il comptait plus de 4 minutes d’avance au sommet
de Vars, il était victime de trois crevaisons successives dans la
descente ! La voiture de son directeur sportif ayant rendu l’âme,
il avait dû attendre de longues minutes avant d’être dépanné, ce
qui le mit dans une colère noire. La rage au ventre, il avait vu passer
devant lui tous ses adversaires, dont le duo Coppi-Bartali. A court de
boyaux, il avait été distancé dans l’Isoard, concédant plus de
seize minutes aux deux Italiens. Un extraordinaire document
photographique immortalise cette scène où l’on voit le bouillant
Ferdi, la pompe à la main, menaçant et en pleurs, prendre le ciel à témoin
de ses malheurs !
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Vice-champion du monde sur route
quelques semaines plus tard à Copenhague (battu au sprint par van
Steenbergen), Ferdi revint en 1950, assagi et plus réfléchi.
Aiguillonné par l’avènement de son grand rival zurichois Hugo
Koblet, vainqueur cette année-là du Giro et du Tour de Suisse,
il lui fallait réaliser un exploit en France. Le chrono
Dinard-St.Brieuc fut l’occasion d’un premier jalon. Il y domina
Magni, Bobet, Ockers et Bartali, lequel fut ensuite à l’origine du
retrait des Italiens dans les Pyrénées après avoir été soi-disant
insulté et menacé au sommet d’Aspin. Magni était alors leader avec
2’31 d’avance sur Kübler qui refusa de porter le maillot jaune le
lendemain.
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Picture courtesy of www.corvos.nl |
Ce
coup de théâtre décupla l’ardeur de Kübler et allait le révéler
d’une régularité et d’une clairvoyance inespérées. Patron de la
course avec la complicité du belge Ockers, il contint les assauts de
Bobet et Geminiani. Profitant de la fournaise, tous deux rejetèrent
même les Français à plus de dix minutes lors de l’étape
Perpignan-Nîmes. Revanchard, Bobet ébranla Kubler sous l’orage entre
Gap et Briançon, sans toutefois le faire céder. Mais la menace se précisait.
Entre Briançon et St.Etienne le Français lança l’offensive de la
dernière chance. Kübler était seul pour défendre son maillot jaune
(l’équipe de Suisse était partie à six coureurs). Alors qu’il
accusait 4’30 de retard, il amorça une furieuse contre-attaque et
Bobet fut rejoint et distancé dans le col de la République. Le coup de
poker avait échoué mais Kübler avait eu chaud. Il écrasera
l’opposition contre la
montre (98 km) le surlendemain entre St.Etienne et Lyon (2ème
Ockers à 5’34, 6ème Bobet à 9’00 !)
Kübler était le
premier Suisse à inscrire son nom au palmarès du Tour de France (il y
eut ensuite Koblet en 1951). Il y reviendra en 1954 après trois ans
d’absence, en cohabitation forcée avec Koblet (qui se retirera sur
chutes). Vainqueur à
St.Brieuc et Millau mais distancé sur crevaison le premier jour entre
Amsterdam et Anvers (9 minutes perdues), Kübler
terminera tout de même deuxième à Paris à 15’49 de Bobet.
On le reverra encore en 1955. Désireux de gagner devant son public, il
animera une longue échappée entre Colmar et Zurich. Mais il sera battu
au sprint par Darrigade et en conservera une grande frustration. Il
surprendra encore dans les Alpes (2ème à Briançon à
13’47 de Gaul) avant de s’effondrer sur les pentes du Mt.Ventoux,
terrassé par une spectaculaire et mémorable défaillance !
Né dans la pauvreté,
à Marthalen, dans la campagne zurichoise, Kübler est passé, comme il
aime à le dire, « du statut de valet de ferme à celui de
vainqueur du Tour de France !», et même de champion du monde sur
route, en 1951, à Varese. Son
autre grande fierté. Il fut aussi le grand spécialiste du week-end
ardennais qui regroupait alors Flèche wallonne le samedi et Liège-Bastogne-Liège
le dimanche ! Il en fut le lauréat à deux reprises, en 1951 et
52, en gagnant à chaque fois les deux épreuves. A son palmarès également :
Championnat de Zurich 1943, Tour de Romandie 1948-51, Tour de Suisse
1942-48-51, Rome-Naples-Rome 1951, Bordeaux-Paris 1953, Milan-Turin 1956
et Challenge Desgrange-Colombo 1950-52-54, entre autres.
Ferdi a toujours eu une
affection particulière pour la Suisse romande, où il
a signé quelques uns de ses exploits (double vainqueur du Tour
du lac Léman 1938-52). Il y battit le record de Suisse de l’heure, en
1941, sur le vélodrome de la Pontaise à Lausanne, avec 43km651. Il y
connut aussi quelques déboires, notamment à l’arrivée de la course
Zurich-Lausanne, en 1946, après s’être accroché avec le Belge
Marcel Kint. Victime d’une fracture du crâne et aussi d’un bras
cassé, il passa huit jours dans le coma. Touché au bassin et à la
colonne vertébrale, il dut attendre six semaines avant de pouvoir
sortir de l’hôpital pour quatre mois de convalescence. Il y obtint
aussi sa dernière victoire avant de se retirer, en octobre 1957 (omnium
de Sion). Très
actif et très populaire, même après sa carrière, il a longtemps œuvré
au sponsoring et aux relations publiques du Tour de Suisse avant de se
passionner pour le golf. Quoique diminué dans sa santé, il reste
aujourd’hui encore l’un des plus grands champions du sport suisse.
Bertrand Duboux
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