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LA VIE AU TOURNANT Jean-Jacques Loup |
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Elle arrivera, toute belle, toute chaude, à la mi-décembre, c'est la biographie d'un personnage hors-normes, bien connu chez nous mais aussi ailleurs, Jean-Jacques Loup. Qui a ouvert son coeur à notre confrère Julien Caloz, qui parle de sa vie de sportif homme à tout faire - ah ses galères au Dakar ! - , mais aussi de ce qu'il a vécu ces dernières années, lorsque des médecins ont détecté en lui une maladie en voie déjà très avancée. Il aurait alors pu se laisser aller, il a relevé ce nouveau défi, certainement le plus grand de toute sa vie. pas vraiment pour lui, non, mais pour ceux , autour de lui, qu'il ne voulait pas laisser tristes en cas de départ prématuré. Rassurez-vous, l'histoire - poignante - se termine bien. En parcourant les 172 pages de cet ouvrage, vous allez beaucoup rire mais aussi, certainement , parfois pleurer. Ce livre "est" Jean-Jacques Loup, franc, honnête, passionnant. Jean-Claude Schertenleib, Journaliste. Rédaction: mabiographie.ch, Julien CALOZ, Rue du Sablon 1A, 1110 Morges info@mabiographie.ch Distribution: Jicé Informations, Jean-Claude SCHERTENLEIB, Les Loges 20, 2052 La Vue-des-Alpes jice12@outlook.com Disponible : Bureau communal de Vully les Lacs à Salavaux
Jean-Jacques Loup vu par Bertrand DUBOUX: le sport sous toutes ses formes ! S’il en est un qui a presque touché à tout dans le sport, c’est bien Jean-Jacques Loup. Plus d’un demi-siècle à parcourir le monde, d’abord au guidon de sa moto, puis comme directeur sportif d’équipes cyclistes qu’il a lui-même créées, enfin comme collaborateur, conseiller, consultant de la Radio-Télévision suisse romande à l’occasion de diverses manifestations (JO et championnats du monde). Un globe-trotter toujours soigneux de sa personne, qui a su éviter les écarts. Pas de cigarettes, peu d’alcool et une cuisine soignée. Une hygiène de vie qu’il a su s’imposer malgré toutes ces années à côtoyer les acteurs du sport, les dirigeants, les sponsors et les journalistes, pas toujours aussi disciplinés que lui… Un parcours riche de souvenirs et de relations multiples. Apprécié par ses coureurs, proche des médias, il savait comment s’y prendre pour faire passer les messages quand c’était nécessaire. Sans jamais élever la voix. Dans un monde où les rapports humains ne sont pas forcément régis par les règles du savoir-vivre, il a toujours privilégié le dialogue et la méthode douce à tout affrontement. Un personnage à part, réfléchi, qui a su voir le bon côté des choses et avec un vécu exceptionnel que rien ne laissait entrevoir lorsqu’il vivotait pour assouvir ses passions. Il s’est d’abord essayé à l’athlétisme, à la course à pied et au cyclisme (junior au VC Domdidier) mais, épris de moto et de sensations fortes, il a privilégié le motocross à 18 ans, en 1963, avant de s’essayer à l’enduro avec un titre de champion de Suisse. En quelques saisons, il gravit les échelons et passe d’un pays à l’autre pendant dix ans en catégorie inter 500 cc (USA, Grèce, Tchécoslovaquie, RDA, France). A son actif aussi, dès 1983, quatre Paris-Dakar et la découverte de l’Afrique, dont deux lui ont valu d’être rapatrié sur une civière ! De sacrés souvenirs, qui ne lui ont pas enlevé sa passion. Au contraire, il fera de la moto son auxiliaire de travail le plus précieux dans un monde en pleine évolution et où son esprit d’initiative va lui permettre de rebondir. Installé comme commerçant dès la fin des années 1970, il a eu l’opportunité de distribuer les cycles Gitane qui équipaient le jeune champion Bernard Hinault. Le Breton venait disputer des critériums en Suisse et Jean-Jacques l’hébergeait chez lui, à Montmagny. L’occasion de faire la connaissance du directeur sportif Cyrille Guimard et de rencontrer aussi Bruno Gormand, le patron de la firme Mavic. Celui-ci l’aidera à monter sa propre formation en 1978, avec les jeunes élites Divorne, Lüthy, Flury, Schwab, Rossier, Jürg Luchs et le Genevois Eric Doutrelepont comme directeur sportif. C’est à cette époque que nous avons sympathisé. Au fil des saisons, Vial, Dufaux, Zülle, Schnider, Massard, Aebersold, l’Australien Hodge et le Japonais Hichikawa, entre autres, viendront compléter l’effectif, et pendant dix-huit ans Jean-Jacques et ses coureurs seront parmi les meilleurs du pays, avec la victoire au challenge ARIF en 1995. Michèle, son épouse valaisanne, tombée jadis sous le charme de cet aventurier des sables et des deux roues, alors qu’elle avait été nommée institutrice dans ce petit village perché sur les hauteurs du Vully, tient la maison et offre occasionnellement le gîte et le couvert. C’est le temps de la débrouille, avec un esprit de famille qui séduit tous les coureurs de passage. En parallèle, le dynamique Jean-Jacques a créé Loup Sport, son propre magasin de sport et d’accessoires, à Payerne. Une autre aventure qui va l’amener à écrire quelques unes des plus belles pages du cyclisme suisse. Le début aussi d’une grande amitié de près d’un demi-siècle qui nous a réunis en de nombreuses occasions. Devenu entrepreneur du sport, il multiplie les rôles. Ses excellentes qualités de motard le rapprochent de toutes les grandes compétitions, au service de radio-tour (moto info) et du dépannage neutre Mavic, qu’il a créé sur Paris-Roubaix, en 1983, mais aussi de la Radio-Télévision suisse romande. Il n’est pas rare de le voir piloter un caméraman en course, ou un reporter en direct, que ce soit au Tour de Romandie, au Tour du Pays de Vaud ou à d’autres occasions. En 1969, au lendemain du motocross de Combremont-le-Grand, il était déjà apparu avec son copain Pierre-André Rapin dans une émission Caméra Sport réalisée par Antoine Bordier. A maintes reprises, il m’a aussi accompagné en reportage, notamment aux JO de Barcelone (1992) et Sydney (2000), ainsi qu’aux championnats du monde cyclistes (San Sébastian 1997, Valkenburg 1998, Plouay 2000). Une collaboration fructueuse en toutes circonstances, par un compagnon de route bienveillant, dévoué, avec un sens aigu des responsabilités, ce qui nous a valu de vivre quelques moments mémorables. Grâce à nos bons rapports et aux contacts avec l’entraîneur Charly Bühler, je l’ai aussi convaincu à l’époque (1991-2007) de se transformer occasionnellement en organisateur de boxe dans sa région. Un sport qui me tient à coeur. La TSR est à chaque fois au rendez-vous de ces meetings qui servent à la promotion de nos professionnels: à Payerne, Salavaux, Estavayer, Domdidier, Corcelles. C’est la période des Meuret, Chiarelli, Zavattini, Passanante, Benamer, Fenu, Bossel, et aussi les débuts du spectaculaire frappeur genevois Sofiane Sebihi. Passionné de boxe, Pierre Aubert, alors Conseiller fédéral et président de la Confédération, nous honore souvent de sa présence sur place. Ces événements procurent des émotions fortes aux spectateurs du coin et feront de Jean-Jacques un personnage incontournable et très populaire de la vie publique. On veillait à présenter des combats équilibrés, mais parfois c’était le couac… - Je me souviens qu’une fois, dit-il, j’avais fait venir trois Algériens directement d’Afrique du Nord pour le meeting de Salavaux. Deux d’entre eux avaient perdu par k.o. au 1er round. Je crois plutôt qu’ils s’étaient « couchés » et je n’étais pas très bien vis-à-vis des spectateurs… Touche-à-tout, il rend d’innombrables services, et grâce à sa personnalité, à son rayonnement, il se fait connaître loin à la ronde. Des projets prennent forme dans sa tête pour rejoindre le cyclisme professionnel. Il jouera de cette notoriété naissante pour parvenir à créer l’équipe PMU-romand en 1996, avec le soutien du directeur de la Loterie romande, mais sans beaucoup de sponsors. Elle réunit des coureurs sans contrat, dont les Fribourgeois Chassot et Bourquenoud, ainsi que les alémaniques Huser, Gartmann, Wirz, Hotz, Aebersold, Schnider, Renggli et le Lucernois Armin Meier qui sera leader du Tour de Suisse pendant plusieurs jours. Le budget est modeste, mais l’ex-pro français Jacques Michaud s’associe à l’opération et cette initiative va nourrir leur ambition de voir plus grand. L’optimisme de Jean-Jacques le pousse à agir et il réussit à démarcher La Poste comme nouveau sponsor. La saison suivante, il met sur pied l’équipe Post Swiss Team qui évolue en 2ème division. Lui est manager, Michaud directeur sportif et le duo franco-suisse sera à l’origine d’une belle réussite. Cette année-là, le Zurichois Roland Meier termine 5ème du Tour de Suisse puis, en 1998, les « postiers » y obtiendront trois succès d’étape avec Markus Zberg (recruté en provenance d’Italie) et Niki Aebersold (2) qui sera encore champion de Suisse une semaine plus tard, puis vainqueur de Milan-Turin en fin de saison. Pour un début, c’est un coup de maître, ce qui vaut à l’équipe suisse d’être invitée au Tour d’Espagne, en septembre. Markus Zberg y gagnera au sprint la 1ère étape de la Vuelta et endossera le maillot amarillo de leader pendant deux jours. Il s’imposera encore à l’arrivée à Madrid, trois semaines plus tard ! En 1999, Bruno Boscardin et Rolf Jaermann rejoignent le groupe, mais victime de son succès, celui-ci va devoir laisser partir ses meilleurs éléments à l’étranger. Le Genevois Serge Demierre est nommé nouveau responsable, mais tout s’arrêtera fin 2001, La Poste ayant décidé de lâcher le vélo pour le hockey sur glace. Une fin un peu amère pour le duo Loup-Michaud. Entretemps, de plus en plus exaspéré par le contrôle pesant exercé par la régie fédérale sur ses activités, Jean-Jacques avait toutefois répondu favorablement, fin 1999, à un appel de l’industriel zurichois Andy Rihs, patron d’une importante firme d’appareils auditifs. Celui-ci est un passionné de vélo et il veut investir dans le cyclisme. Son offre sera à l’origine d’une aventure encore plus extraordinaire à la tête de l’équipe Phonak, dès la saison 2000. Un coup dans le mille pour les deux compères qui, responsables désormais d’un budget plus important, peuvent recruter large et non plus seulement des coureurs suisses. Fidèle à ses valeurs, Jean-Jacques mise toutefois sur les jeunes et la formation. Il instaure une ambiance familiale, privilégie les rapports humains et recrute le Canadien Perras, le Biélo-Russe Usov, les Autrichiens Buxhofer et Summer, les Français Delbove et Derepas, les Alémaniques Zumsteg, Richner, Stadelmann, Straumann ainsi que les Fribourgeois Bourquenoud, Fragnière et Charrière. Le pittoresque Lucernois Jean Nuttli se joindra à eux, ce qui nous vaudra une rocambolesque participation au championnat du monde, à Plouay. (voir anecdote). L’équipe Phonak démarre en 2ème division. Lukas Zumsteg remporte le GP de Berne, puis le rapide Usov plusieurs étapes du tour de Bavière. Petit à petit, elle fait sa place sur le plan international. Mais bien vite le duo romand va sentir et subir la pression et les ambitions intéressées des sponsors alémaniques qui imposent à Andy Rihs d’engager l’ex-sprinter Urs Freuler, qui trempe dans les affaires, comme directeur technique. Une grave erreur de casting qui va affecter les rapports de travail et provoquer une descente aux enfers. Progressivement Andy Rihs veut avoir accès au Tour de France avec un effectif international renforcé, et Jean-Jacques est prié de prendre contact avec des coureurs américains afin de s’ouvrir le marché commercial outre-Atlantique. Mais il ne s’y sent pas capable, et il met en garde l’ambitieux patron contre la nouvelle orientation du groupe et les risques qui vont avec. En vain. Démotivé et inquiet pour l’avenir, le duo Loup-Michaud va alors quitter ses fonctions après deux saisons aux responsabilités, pour laisser place à l’Américain Jim Ochowicz, ex-manager de Lance Armstrong ( !), comme directeur général, et aux sulfureux John Lelangue (Belgique) et Juan Fernandez (Espagne), comme directeurs techniques, puis à Alvaro Pino, Adriano Baffi et Guido van Calster comme directeurs sportifs ! C’est le début de la fin… Le budget explose. Il passe à 9 millions en 2002 et à 12 millions en 2004, avec l’engagement du controversé Tyler Hamilton (CSC), vainqueur du Tour Romandie 2003, puis 2004, mais déjà éclaboussé par un contrôle positif après son titre olympique contre la montre aux JO d’Athènes, trois mois plus tard. Phonak va devenir la plus grande « chaudière » du cyclisme professionnel. Au total, dix cas de dopage vont plomber la réputation du groupe zurichois, dont ceux du champion du monde suisse Oscar Camenzind (epo, 2000), de l’Espagnol Santiago Perez et de Hamilton (transfusion de sang, 2004), du Colombien Botero, vainqueur du Tour de Romandie 2005 (affaire Puerto, 2006), et surtout celui de l’Américain Floyd Landis, vainqueur du Tour de France 2006 mais disqualifié trois jours plus tard pour contrôle positif à la testostérone. Un scandale monumental qui précipitera la fin de l’équipe Phonak, déjà écartée par l’UCI du circuit ProTour en 2005 en raison de ses innombrables affaires. - Andy Rihs ne maîtrisait plus rien dans ce monde-là ! Il a été aveuglé par la réussite et abusé par son entourage, confie Jean-Jacques, avec une pointe de nostalgie dans la voix. Après l’épisode Phonak, Jean-Jacques a maintenu de très bons contacts avec les coureurs qu’il avait dirigés, mais son grand regret, faute de soutiens financiers, est de ne pas avoir pu reconstruire une « belle » équipe suisse. A défaut, il avait en tête une formation africaine, après avoir participé avec ses différentes formations à des courses sur le continent noir et assisté à l’éveil du cyclisme africain. Tout avait commencé en 1987, lorsque les patrons d’Oktos (France) lui avaient demandé de diriger leur équipe au Tour du Cameroun. Avec la collaboration de son ami valaisan et joyeux luron Jean-Daniel Descartes (marchand de meubles à Saxon), d’autres expéditions suivront au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Rwanda, et même à l’Ile Maurice, où – après avoir surmonté un grave problème de santé - il n’est pas exclu de le revoir à l’œuvre à près de 80 ans ! Si Dieu le veut. Affaire à suivre… Quelques anecdotes Hinault sifflé à Lausanne ! Jeune professionnel, Bernard Hinault avait pris l’habitude de loger chez Jean-Jacques lorsqu’il venait disputer des critériums en Suisse, et celui-ci rendait occasionnelement des services à Cyrille Guimard, son directeur sportif. En 1978 et 1979, j’avais commenté les deux premiers de ses cinq succès au Tour de France et il n’avait pas fallu longtemps pour comprendre que le Breton était devenu le nouveau patron du peloton. En octobre 1979, après une « grosse » saison, il avait encore gagné en hussard le Tour de Lombardie, et Jean-Jacques l’avait accompagné en course avec sa propre voiture d’équipe. Guimard avait fait un aller-retour par avion via l’aéroport de Milan, alors que Hinault avait un contrat pour disputer A Travers Lausanne le lendemain matin. Jean-Jacques l’avait donc ramené de Côme à Ouchy à 2 heures du matin, et le Blaireau avait proposé à son complice vaudois de partager sa chambre à l’hôtel Beaurivage. C’est là que j’avais rendez-vous avec Hinault au petit matin pour quelques images et une mini-interview après son exploit de la veille. Il était fatigué et avait les traits tirés. De plus, il avait été réveillé avant l’heure par des coups frappés à la porte de sa chambre. - T’as donné le numéro à quelqu’un ? s’était-il enquis auprès de Jean-Jacques. - Non, non, à personne ! avait répondu Loup, étonné. - Alors c’est quoi ce bazar ? Tous deux avaient été surpris de constater que c’étaient des supporters qui venaient quémander un autographe à leur héros. Ils étaient montés dans les étages et n’avaient pas hésité à le déranger alors qu’il était toujours au lit ! Autre époque, autres mœurs… La nuit avait été courte, la remise en route difficile. Assailli par ses admirateurs, sollicité dès le petit-déjeûner par la TV romande, Hinault n’avait pas eu la récupération suffisante, ni le temps de s’échauffer avant de se lancer dans la montée vers le Petit-Chêne, la Mercerie et Sauvabelin. Les organisateurs n’avaient même pas attendu qu’il soit prêt pour donner le départ, à 9 heures, ce qui l’avait mis dans une belle colère… Hinault était donc parti en retard, mais cela ne l’avait pas empêché de terminer troisième derrière Joop Zoetemelk et Godi Schmutz. Le Breton n’avait pas voulu se dérober devant ses supporters et certains spectateurs lausannois, qui n’étaient pas au courant de la situation, l’avaient sifflé au passage, les mufles… Prague et les prémices de la chute du Mur Fin novembre 1989, avec mon confrère Christian Rappaz nous accompagnons Jean-Jacques et son copain Jacques Peter, dit Caillon, pour un week-end à Prague avec visite de l’usine Jawa. Malgré ses diverses activités, la moto reste toujours sa marotte. Il fait gris et humide ce samedi sur la capitale de la Tchécoslovaquie, alors qu’on assiste au derby Sparta Prague-Slavia Prague. Un joueur crève l’écran par sa présence et son rayonnement, Milan Fryda, que l’ami Rappaz, opportuniste, réussira à faire transférer en 1991/92 au Lausanne Sports ! En fin d’après-midi, nous rejoignons le centre-ville, mais à peine arrivés sur place, on sent qu’il y a de l’agitation dans l’air, et quelques instants plus tard on se retrouve au cœur d’une gigantesque manifestation de rue ! Depuis quelque temps, l’empire communiste de Gorbatchev, avec l’avènement de la glasnost et de la perestroïka, se craquèle, se fissure. Des brèches sont apparues dans le Rideau de fer en Hongrie, où s’engouffrent par milliers des Allemands de l’Est avides de liberté. A Prague, le gouvernement ne veut rien savoir et réprime durement les vélléités de changement des manifestants. Avec mes camarades, il avait fallu se replier et trouver refuge dans des encadrements de porte providentiels pour éviter les coups de matraque des forces de l’ordre et des unités anti-émeutes. Au vu des événements, rien ne laissait prévoir du côté de la fameuse place Venceslas et des rues adjacentes en ébullition que le Mur de Berlin tomberait définitivement quinze jours plus tard, puis que le dictateur roumain Nicolae Ceaucescu et son épouse seraient assassinés le 25 décembre, mettant fin à vingt-cinq ans de dictature communiste ! Qui l’eût crû ? L’ETA frappe fort à San Sebastian En 1997, le championnat du monde de cyclisme sur route a lieu à San Sebastian, au pays basque espagnol, où sévissent les indépendantistes de l’ETA. Jean-Jacques s’y rend avec sa voiture d’équipe et il m’a proposé de faire le voyage avec lui. Un long périple à travers la France, mais les thèmes de discussion ne manquent pas et les heures passent sans qu’on s’en aperçoive. Samedi, le jour de la course féminine, il fonctionne comme consultant de la TSR et peu après le départ, alors que nous sommes en direct, une terrible explosion retentit. Elle fait trembler le sol et secoue durement la tribune Eurovision ! Un boum qui aurait pu faire péter nos tympans si nous n’avions eu le casque de commentateur sur les oreilles ! Quelques instants plus tard, on sent l’odeur de la poudre et immédiatement nous vient à l’esprit un attentat de l’organisme séparatiste. C’est un peu la panique, car on redoute des victimes, et Jean-Jacques se propose d’aller voir sur place. A son retour, il témoigne que l’explosion a eu lieu à quelque 300 mètres de la ligne d’arrivée (à 150 m. des box des équipes), en bordure d’un parking, au pied d’immeubles locatifs, et qu’une voiture a été pulvérisée, avec des débris accrochés à un balcon, au 2ème étage ! Il n’y aurait que des dégâts matériels, et on imagine que l’ETA a simplement cherché un écho mondial auprès des médias accrédités, pour rappeler qu’elle est toujours en guerre avec le gouvernement de Madrid. Une vision que Jean-Jacques n’est pas près d’oublier. En fait, les activistes ont fait exploser une voiture piégée au passage d’un véhicule de patrouille de la Guardia Civil, mais en raison d’un léger décalage entre la bombe télécommandée et l’explosion, les occupants ont eu la vie sauve. Ils n’ont été que légèrement blessés. Malgré cet incident, la course s’est déroulée normalement, avec en fin de journée la victoire de l’Italienne Alessandra Cappellotto. Mais quel souvenir ! Jean Nuttli : rocambole en pays breton ! En 2000, Jean-Jacques avait réussi à convaincre Swiss Cycling d’inscrire en dernière minute l’inconnu Jean Nuttli pour le mondial du chrono, à Plouay. Le manager de Phonak avait découvert en mai ce phénomène de puissance lorsqu’il avait gagné le GP de Pfaffnau et l’avait pris comme stagiaire. Son incroyable histoire m’avait suggéré un reportage tv chez lui, à Kriens, où cet ancien junior devenu obèse avait perdu 55 kilos sur un vélo installé dans sa chambre ! Il était monté à 125 kg, et depuis cinq mois il y pédalait des milliers de kilomètres à raison de six heures par jour. Avec un 59x11, il développait 500 watts durant une demi-heure et le déplacement d’air faisait le même bruit que la sirène des Stukas de la Luftwaffe… Les gouttes de sueur avaient fini par corroder et percer le cadre en aluminium. Avec un régime adéquat, il avait pu reprendre une licence d’amateur. Sa participation au mondial donnera lieu à une invraisemblable épopée. Parti en retard de Bâle-Mühlouse, il rate la correspondance à Orly. Nuttli n’a jamais voyagé seul en avion et, avec son dialecte lucernois, sans un mot de français, il est totalement paumé. En halle de transit, il erre durant cinq heures, sans boire ni manger car sans argent français en poche ! Il réussit néanmoins à prendre le vol suivant après un coup de fil à Loup, en Suisse. Celui-ci m’appelle en catastrophe pour que j’aille l’accueillir à l’aéroport de Lorient, en fin d’après-midi, alors que lui passe sa journée à préparer les vélos et qu’il va conduire toute la nuit pour rejoindre la Bretagne en voiture au matin de la course ! Il fait noir lorsque Nuttli sort de l’aéroport. Jean-Jacques a convaincu la fédé de lui laisser un véhicule sur le parking, avec les clés, mais il n’y a personne pour l’emmener à l’hôtel de l’équipe de Suisse, à Concarneau, à 60 km. Il n’a pas de carte routière et je dois m’assurer qu’il a bien son permis et l’adresse sur lui. Puis je le guide vers la 4-voies, lui glisse quelques conseils et un billet de 100 FF dans la poche, au cas où, et gerade aus… Loup le retrouve au petit-déjeûner. La veille au soir, Nuttli n’a eu droit qu’à une assiette de pâtes froides… Place désormais à la reco du parcours. Jean-Jacques a troqué la voiture Phonak contre celle de la fédération, bien vite menacée d’une panne d’essence car personne n’a pensé à faire le plein ! Il se met en quête d’une pompe et doit abandonner Nuttli à son sort. Après avoir reçu 20 litres de la part d’un agriculteur compatissant, Loup a mille difficultés à revenir sur le parcours, désormais fermé en prévision de la course. Lorsqu’il retrouve Nuttli, celui-ci est dans une montée. Il pédale en force et la chaîne casse. Il chute et se blesse au genou ! Le vélo est hissé sur le toit de la voiture et Hermann Pacall, le mécano, doit le réparer en roulant, à quelques minutes du départ. Malgré cela, Nuttli fait une course prometteuse. Avec son braquet géant, il va hélas buter sur la dernière côte qu’il n’a pas pu reconnaître. Sur le plat final, il suit le motard qui le précède et qui prend la dérivation, à 200 m de l’arrivée, et se retrouve ainsi dans un parking ! Le temps de faire demi-tour, il perd 20 secondes avant de franchir la ligne en 11ème position à 2’28 de l’Ukrainien Gontchar après une aventure rocambolesque. Une semaine plus tard, il gagnera le fameux Chrono des Herbiers en battant Gontchar, le nouveau champion du monde, et avant de s’attaquer au fameux record de l’heure, pour une autre aventure inoubliable… Incroyable mais vrai. Bertrand Duboux, journaliste TSR 1975-2008 www.cyclismeromand.ch 12.11.2024 Vernissage de son livre C'est dans la salle polyvalente de Salavaux, Commune de Vully-les-Lacs, qu'a eu lieu le vernissage le 11 décembre, avec près de 200 personnes et en la présence de plusieurs intervenants: Bertrand Duboux, ex-journaliste de la TSR (1975-2008) Denis Meylan, dit "Bouillon", artiste et humorisiste vaudois. Michel Verdon, syndic de la commune de Vully-les-Lacs. Dr Michel Berner, dit "Pi Style", ami d'études. Philippe Coulon, ancien pilote et ami de longue date. Jean-Claude Schertenleib, consultant MotoGP à la TSR. Dr Dominik Berthold, médecin oncologue au CHUV Jean-Jacques Loup avec tous ses potes... |
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